Accueil > 63 épisodes > #7 La morale de ton steak -...

Épisode #7 La morale de ton steak - Martin Gibert

4 avril 2022
Comme un poisson dans l’eau - #7 La morale de ton steak - Martin Gibert
écouter cet épisode sur youtube

Description

Peut-on justifier moralement de manger des animaux ? C'est une question absolument centrale dans les discussions autour du spécisme et qu'il était temps de prendre de front dans Comme un poisson dans l'eau ! C'est à Martin Gibert, chercheur en éthique à l'université de Montréal, que j'ai posé cette question. Je lui ai demandé plus généralement s'il y a un consensus en éthique sur la question ; il en a profité pour décrire les trois grandes théories morales que sont le conséquentialisme, le déontologisme et l'éthique de la vertu ; et on est revenus sur le principe d'égale considération des intérêts dont on avait parlé dans le tout premier épisode avec Valéry Giroux. On a abordé deux objections à l'idée qu'il ne serait pas éthique de manger des animaux. La première est ce que Martin Gibert nomme "l'objection du foodie", l'idée que le fait de vraiment beaucoup aimer le goût de la viande constituerait une justification aux souffrances infligées à d'autres animaux, à quoi il a répondu par une expérience de pensée perturbante mais passionnante. Pour finir, il a répondu à l'objection qu'on entend souvent de l'omnivorisme consciencieux, c'est-à-dire l'idée qu'il serait éthique de manger des animaux si on se restreint à ceux qui auraient été bien traités dans des élevages éthiques, et qui n'auraient pas trop souffert.

Transcription

Voir la transcription

Victor Duran-Le Peuch : Salut, moi c'est Victor Duran-Le Peuch, et vous écoutez un entretien de Comme un poisson dans l'eau, le podcast contre le spécisme. Aujourd'hui, on se pose la question, qui est à mon avis la plus débattue quand on parle de spécisme, « peut-on justifier moralement de manger des animaux ? » Jusque là, on a bien entendu tourné autour de cette question. On a vu quelles étaient les conditions d'élevage et d'abattage des animaux qu'on exploite pour les manger, en euphémisant tout ce qui se passe, et en présentant constamment les humains comme séparés et supérieurs des autres animaux. Grâce au docteur Sébastien Demange, il n'y a plus de doute sur le fait qu'on peut être en parfaite santé sans manger de produits animaux. Et on a vu qu'il y a une idéologie, omniprésente et invisible, qui cherche constamment à encourager et justifier la consommation de produits animaux, c'est le carnisme. Mais on n'a pas encore pris la question de front. « Est-ce que c'est éthique de manger de la viande ? » Et c'est une question dont se sont emparés les chercheureuses en philosophies. J'ai donc invité dans le podcast un philosophe qui connaît bien ces questions, Martin Gibert, qui est chercheur en éthique à l'Université de Montréal et également spécialisé en psychologie morale. Il est l'auteur de L'imagination morale, publié en 2014, de « Voir son steak comme un animal mort », sorti en 2015, et tout dernièrement de « Faire la morale aux robots », édité en 2021. Il est enfin co-rédactrice en chef de L’Amorce, la revue contre le spécisme. Et je précise que L’Amorce utilise le féminin par défaut et que je respecte donc cet usage ici. Et en fait, il s'agit d'un double épisode. La première partie, donc l'épisode que vous êtes en train d'écouter, porte sur les aspects éthiques de la question. Et la seconde partie de l'entretien sera diffusée dans un prochain épisode qui abordera les questions psychologiques, où on parlera notamment du paradoxe de la viande et de dissonance cognitive. Et bien voilà, voici la première partie. Bonjour Martin Gibert.

Martin Gibert : Bonjour.

Victor Duran-Le Peuch : Alors, en philosophie, comme dans toutes les disciplines, et peut-être même un peu plus que dans d'autres, il y a des débats très précis et des échanges d'arguments assez élaborés. Mais ça n'empêche pas, a priori, l'existence de consensus sur certaines questions, une fois qu'elles ont été explorées suffisamment. Alors, pour commencer, je voulais vous demander ce qu'il en est pour la question d'élever des animaux pour les manger. Est-ce qu'il y a un consensus en éthique pour dire que c'est mal ou que c'est pas justifiable moralement ?

Martin Gibert : Alors, il y a un consensus. Il y a un consensus pour dire que c'est pas justifiable si on est dans une situation où on pourrait ne pas les manger. Il y a un consensus pour dire qu'on ne devrait pas commettre de tort à des entités sentientes, en fait, humaines ou non humaines, sans nécessité. Donc là, oui, je pense que tous les gens qui travaillent en éthique animale s'accordent là-dessus.

Victor Duran-Le Peuch : D'accord. Et là, c'est intéressant, vous dites en éthique animale. Ça veut dire que c'est un consensus. Il y a des gens qui ont choisi de s'intéresser à cette question-là, mais est-ce que ce consensus est partagé plus largement par les philosophes ?

Martin Gibert : Alors, les philosophes comme individus, comme personnes, ils ne sont pas nécessairement différents des autres humains. Donc, il y a plein de philosophes qui consomment des produits animaux, puisque c'est le sujet du podcast. Par contre, si on regarde les théories morales, puis c'est un peu ce que j'ai essayé de faire dans le premier chapitre de mon livre « Voir son steak comme un animal mort », là, il y a vraiment une convergence sur ce consensus. C'est-à-dire qu'aussi bien qu'on regarde les prémices selon une théorie qui s'appelle l'éthique de la vertu, selon une autre théorie qui s'appelle le déontologisme, ou selon le conséquentialisme, on arrive…

Victor Duran-Le Peuch : Alors, peut-être que vous pouvez nous expliquer rapidement, justement, il y a trois grands types de théories qu'on utilise en éthique ou en philosophie morale. Et je pense que tout le monde ne connaîtra pas, voire peu de gens connaîtront, en fait, ces trois approches.

Martin Gibert : Moi, pour expliquer ce que j'aime bien faire quand je donne un cours d'introduction à l'éthique, c'est à partir de la définition de c'est quoi l'éthique. Et puis, de façon simple, on peut dire que c'est répondre à la question « quelle est la bonne chose à faire ? ». Et ça, on peut y répondre selon plusieurs perspectives. Donc, il y a une perspective qui va s'intéresser essentiellement à la personne qui agit, ce qu'on appelle l'agent moral. Ça, c'est l'éthique de la vertu. Et en gros, ça, ce que dit l'éthique de la vertu, c'est la bonne chose à faire, c'est ce que ferait une bonne personne. C'est ce que ferait une personne vertueuse. Donc là, on peut se demander, dans le livre, c'est une expérience de pensée, où je dis ok, imaginons qu'on ait le choix entre un cheeseburger et puis un végé-burger. Et qu'est-ce qu'une personne... Alors, la question politique de la vertu, c'est qu'est-ce qu'une personne vertueuse choisirait. Et là, on peut supposer que si la personne est bien informée, si elle sait, si elle connaît la provenance de la viande d'animaux, si elle n'est pas purement dans l'ignorance, il y a des bonnes chances qu'elle privilégierait le végé-burger au cheeseburger. Donc ça, c'est une première approche, encore une fois, qui s'appuie sur la personne qui agit. On peut aussi répondre à la question « Quelle est la bonne chose à faire ? » en regardant si les actions qui sont accomplies sont légitimes ou pas, sont correctes ou pas. Puis ça, c'est plutôt pris en charge par une autre théorie qui s'appelle le déontologisme. Et en gros, qui dit agir correctement, c'est respecter des normes, des règles morales, des principes. Les dix commandements, c'est dix principes comme ça à respecter. Et alors, dans le cadre de l'éthique animale, ça va donner des auteurs qui considèrent en gros que les animaux ont des droits fondamentaux. Souvent, le déontologisme va être connecté à une théorie des droits. Parce qu'un droit, c'est quoi ? C'est quelque chose qui te dit il y a certaines actions qui sont obligatoires, d'autres qui sont permises, d'autres qui sont interdites. Et donc, les tenants du déontologisme en éthique animale vont dire « Il y a certaines actions qui sont obligatoires, d'autres qui sont permises, d'autres qui sont interdites. Il y a certaines actions comme le fait de torturer un animal, de le priver de sa liberté, de le tuer, qui s'opposent à ces droits fondamentaux. Des penseurs dans ce courant-là, on peut citer le nom de Tom Regan qui a écrit « Le droit des animaux », on peut citer le nom de Gary Francione. Gary Francione, c'est un bon exemple d'approche déontologiste où il va dire « Il y a une règle fondamentale dans nos actions par rapport aux animaux qu'on devrait respecter, c'est de ne pas en faire des propriétés privées, qu'on ne puisse pas les accaparer, les acheter et les vendre ». Et effectivement, ça, ça va à l'encontre du droit fondamental des animaux à ne pas être des marchandises.

Victor Duran-Le Peuch : Et la discussion qu'on avait eue avec Valéry Giroux sur les droits, les trois types de droits qu'elle distinguait, j'imagine que ça s'intégrait parfaitement là-dedans.

Martin Gibert : Voilà. Valéry Giroux, on peut la ranger dans le camp des déontologistes abolitionnistes. Et il y a une troisième approche. Il y a une troisième approche qui est conséquentialiste. Donc cette fois-ci, il ne s'agit pas de se demander, pour répondre à la question « Quelle est la bonne chose à faire ? » « Qu'est-ce que ferait une bonne personne ? » comme avec l'éthique de la vertu. Ni « Est-ce qu'il y a des actions qui sont moralement correctes ou non ? » Mais « Quelles sont les conséquences de nos actions ? » Donc le conséquentialisme s'intéresse aux conséquences de nos actions. Souvent en éthique animale, on va utiliser une version du conséquentialisme qui s'appelle l'utilitarisme qui dit « Pour mesurer les conséquences de nos actions, il faut voir celles qui produisent le plus de plaisir et le moins de déplaisir ». Alors, historiquement, cette approche, elle a beaucoup été développée par un philosophe anglais, Jeremy Bentham, et qui, donc c'est un modèle général, ce n'est pas juste pour les animaux, quand on se demande quelle est la bonne chose à faire pour l'utilitarisme, on compare les options, puis on va prendre celle qui a le meilleur, qui produit le plus de bien-être. Mais l'originalité de Bentham, c'était de... d'avoir bien vu que nos actions, elles ne causent pas simplement du bien-être ou du mal-être sur d'autres êtres humains, mais aussi sur des animaux non-humains qui sont capables de ressentir du plaisir ou de la douleur. Donc il a intégré, Bentham a intégré les animaux dans le calcul conséquentialiste. Et là, dans le calcul conséquentialiste, ce qu'il faut voir, c'est, si on prend l'exemple du choix entre le burger, le cheeseburger de viande et puis le végé-burger, eh bien quelles sont les conséquences de choisir l'un ou l'autre. Et voilà, si on prend en compte la souffrance du veau, de la vache qui a fourni le végé-burger, il semble assez évident qu'il vaudrait mieux prendre le végé-burger.

Victor Duran-Le Peuch : Et d'ailleurs, cette perspective utilitariste est souvent la plus connue quand on parle d'éthique animale, simplement parce qu'elle a été, enfin les intuitions de Bentham ont été reprises et développées par le philosophe Peter Singer, qui est probablement le philosophe le plus connu, qui a lancé tout un champ disciplinaire sur l'éthique animale, en publiant son livre en 1975, « La libération animale ». Et donc souvent, quand on pense éthique animale, on pense tout de suite utilitarisme, alors que vous l'avez dit, en fait, il y a plusieurs approches. Et ce qui est intéressant, c'est que vous dites dans votre livre, les trois approches, en fait, convergent quant à leur conclusion.

Martin Gibert : Oui, une personne, on peut penser qu'une personne vertueuse qui est au courant de la souffrance des animaux ne va pas vouloir manger de produits animaux. Les disciples de Francione ou de Tom Regan, il y a aussi dans les déontologistes contemporains, il y aurait aussi Kymlicka et Donaldson qui ont écrit le livre Zoopolis. Bon, eux vont avoir des raisons de ne pas consommer d'animaux pour respecter les droits fondamentaux des animaux. Et puis les utilitaristes à la Peter Singer, vont aussi avoir de bonnes raisons de ne pas consommer de produits animaux pour minimiser la souffrance globale. Donc, ça peut paraître bizarre, mais c'est aussi rassurant, parce que ça veut dire qu'on a des raisons qui proviennent de différentes théories qui convergent, donc il y a de bonnes raisons de penser que ça renforce encore l'argument. Alors, il peut y avoir des conflits entre les approches, mais sur l'idée de base qu'on ne devrait pas faire souffrir un être sans nécessité, il y a effectivement convergence.

Victor Duran-Le Peuch : Ça veut quand même dire qu'il n'y a pas de consensus sur la bonne approche à adopter en éthique. Du coup, on peut quand même se garder une petite réserve peut-être de est-ce que les conclusions sont vraiment robustes, même si elles convergent toutes, si on n'est pas d'accord sur les fondations ?

Martin Gibert : Oui, alors en éthique, on n'a pas le choix. Ce n'est pas comme en science, où il pourrait y avoir vraiment une théorie qui fait consensus. Mais chacun d'entre nous, on a des intuitions assez divergentes parfois et qui font appel à des raisons, à des arguments qu'on peut rattacher à l'une ou l'autre des trois familles de théories morales. Mais ça n'empêche pas qu'on peut penser qu'il y a une vérité morale. En fait, on peut imaginer que les théories morales sont des façons de s'approcher de la vérité morale. Il y a le philosophe Derek Parfit qui disait qu'on peut imaginer une montagne et on peut gravir, donc cette montagne, ce serait la vérité morale, « Quelle est la bonne chose à faire ? » mais cette montagne, elle peut être gravie par différentes voies. Et les théories morales sont ces voies qui nous permettent d'approcher la bonne réponse finalement à la question quelle est la bonne chose à faire.

Victor Duran-Le Peuch : J'ai voulu reparler avec Martin Gibert d'un principe éthique important. C'est le principe d'égale considération des intérêts dont on avait parlé dans le premier épisode avec Valéry Giroux. Il dit simplement qu'il faut également prendre en compte les intérêts des individus indépendamment par exemple de leur sexe, leur genre, leur couleur de peau ou encore leur espèce. Mais c'est un principe qui peut avoir l'air un peu abstrait quand on l'entend pour la première fois. Donc je me suis dit que ça ne ferait pas de mal d'y revenir. J'aimerais bien revenir avec vous sur ce dont on avait parlé avec Valéry Giroux dans le premier épisode. C'est le principe d'égale considération des intérêts. Il a été développé justement par Peter Singer dans la libération animale. J'ai eu quelques auditeuristes qui m'ont contacté et m'ont dit qu'on ne comprend pas trop d'où sort ce principe et notamment on ne comprend pas trop pourquoi en éthique pour déterminer ce qui est bien ou mal il faudrait se baser sur les intérêts des individus. Est-ce que vous pourriez expliquer tout simplement d'où sort ce principe ?

Martin Gibert : C'est deux choses un petit peu différentes. Le principe d'égale considération des intérêts c'est un principe de justice. Même entre humains, quand on veut être juste, on va essayer de considérer également les intérêts de toutes les personnes qui sont concernées. Mais en éthique animale, la notion d'intérêt elle permet avant même d'arriver à ça, d'identifier quelles entités méritent notre considération morale. C'est un peu la base de l'éthique animale. La première question, la base de l'éthique même en fait, une première question serait de se poser OK, c'est quoi les entités envers lesquelles nous, êtres humains, avons des devoirs moraux ? Et ça, on appelle ça, les entités envers qui on a des devoirs moraux, on appelle ça des patients moraux. Et qu'est-ce que c'est qu'un patient moral ? C'est une entité à qui on peut faire du bien ou du mal, et donc à qui on a un devoir de ne pas faire de mal et éventuellement de faire du bien. « Qui sont les entités à qui on peut faire du bien ou du mal ? » Et c'est là que la notion d'intérêt entre en jeu parce que ce que répondent les sentiensistes, les philosophes qui considèrent que la sentience devrait fonder la moralité, c'est que seuls les êtres sentients ont un intérêt à ne pas souffrir. Seuls des êtres sentients peuvent être des patients moraux. On peut faire du bien ou du mal qu'à des êtres sentients. Donc la notion d'intérêt, elle n'est pas arbitraire, elle semble étroitement corrélée à l'idée qu'on puisse faire du bien ou du mal. Faire du bien, c'est aller du côté des intérêts d'un individu. Faire du mal, c'est aller à l'encontre de ses intérêts. Après, en même temps, je comprends qu'il y ait des auditeuristes qui se posent cette question parce que c'est un peu le, c'est un peu le socle, un des axiomes de l'éthique animale, mais pas simplement de l'éthique animale, de tout, tout, tout. Quand on se demande qui sont les patients moraux, moi je m'intéresse aussi aux robots, par ailleurs, dans mon travail à l'Université de Montréal, et quand on se pose la question est-ce que les robots devraient être considérés comme des patients moraux, c'est un peu la même question. Est-ce que les robots peuvent ressentir du... Est-ce qu'on peut faire du bien ou du mal à des robots ? Est-ce'on peut faire du bien ou du mal à des robots ? En gros, les gens en éthique de l'intelligence artificielle vont avoir le même type d'intuition que les gens en éthique animale en disant que les robots sont des patients moraux si on peut leur faire du bien ou du mal, et on peut leur faire du bien ou du mal s'ils ressentent, s'ils sont sentients. Donc la notion d'intérêt, elle est surtout ici connectée à la notion d'être sentient. Bon, c'est de la philo. Ça peut être challengé. Il peut y avoir des auteurs qui vont dire « Ah non, peut-être qu'on ne devrait pas limiter le cercle de la moralité au cercle des entités sentientes ». Par exemple, récemment, je lisais un livre de David Chalmers, un philosophe américain. Le livre s'appelle « Reality Plus ». Et lui, il est d'accord avec le sentiencisme, mais il voudrait l'élargir. L'élargir un peu plus. Y compris aux êtres qui seraient conscients sans être sentients. C'est-à-dire, alors là, c'est une différence un peu subtile de philosophe là, mais, on est partis ! Sentient, c'est qui ressent des choses, mais qui ressent des choses comme du plaisir, de la douleur ou des émotions, mais de façon positive ou négative. On dirait techniquement avec une valence. (D'accord.) Donc on est sentient. On va dire qu'une entité est sentiente si elle ressent des choses, mais il y a des choses qui sont valorisées positivement ou négativement. Mais peut-être qu'il y a des états de conscience qui n'ont pas ce truc-là. Imaginons, mettons, une entité qui ferait juste percevoir la couleur bleue. Puis percevoir la couleur bleue, c'est assez neutre là. C'est ni plaisant, ni déplaisant. En tout cas, c'est une entité qui ne ferait que ça. Et là, la question que peuvent se poser les philosophes, c'est ok, est-ce qu'on devrait tenir compte de cet intérêt qui serait celui d'une entité consciente, mais non sentiente ? Puis là, on peut discuter. Alors pour les animaux, ça n'a pas de sens, parce que les animaux qui sont conscients de la couleur bleue, en général, ils sont aussi sentients, et puis ils éprouvent plein de choses. Mais on peut imaginer des intelligences artificielles qui seraient conscientes de la couleur bleue, mais qui ne seraient pas sentientes à proprement parler. Puis dans les challenges, dans les théories qui confrontent le sentiencisme, bon, il peut y avoir le biocentrisme, qui va dire non, non, il faut élargir beaucoup plus, il faut élargir à l'ensemble des êtres vivants, et pas simplement des êtres sentients. D'ailleurs, souvent, les gens font un peu l'erreur, la, qui m’énerve, on parle des êtres vivants pour parler des êtres sentients, mais non, non, c'est un ensemble beaucoup plus large, l'ensemble des êtres vivants. Ça inclut les plantes, ça inclut le microbiome, par exemple. Voilà, puis on peut challenger d'un autre côté le sentiencisme, puis c'est en gros ce que fait le spécisme en disant « non, non, non, les patients moraux, ce n'est pas l'ensemble des êtres sentients, c'est une partie d'entre eux, à savoir les êtres humains ». Donc le spécisme ou le suprémacisme humain conteste aussi le sentientisme.

Victor Duran-Le Peuch : Pour prolonger ce que vous dites, ce que fait Singer en présentant et en défendant le principe d'égalité de considération des intérêts, c'est qu'il prend ce qu'on prenait pour considérer les patients moraux chez les humains, et donc regarder leurs intérêts en fait, est-ce qu'on peut leur faire du bien ou du mal, et il dit juste, en fait, la frontière de l'espèce est arbitraire, donc si on veut juste regarder quels sont les individus qui ont des intérêts et envers qui on a des devoirs, il ne faut pas se restreindre aux humains et humaines, mais aller au-delà à tous les êtres qui ont des intérêts, et c'est de là que découle ce principe, c'est ça ?

Martin Gibert : Oui, c'est ça, si on est sentientiste, on considère que rentre dans le cercle de la moralité l'ensemble des individus sentients, puis les individus sentients, ont des intérêts, et donc quand on doit arbitrer des conflits entre ces individus sentients, le principe de justice, ça va être de considérer également les intérêts similaires des êtres sentients, donc mon intérêt à manger un burger de viande doit être comparé avec l'intérêt de la vache à ne pas être exploitée. Et là, normalement, un calcul utilitariste, fait dire que l'intérêt de la vache est plus fort que mon plaisir gustatif.

Victor Duran-Le Peuch : Il y a quand même quelque chose d'intéressant, je crois, c'est que bien que Peter Singer soit utilitariste, en fait, ce principe-là, il ne présuppose pas du tout une grille d'analyse ou une théorie morale utilitariste, non ? Il peut aussi bien s'appliquer pour un ou une déontologiste, ou pour un ou une éthicienne de la vertu ?

Martin Gibert : Bien sûr ! Oui, oui, tout à fait ! Le sentiencisme est antérieur, logiquement antérieur, aux théories morales, parce que le sentiencisme, c'est une théorie méta-éthique, en fait. Les théories morales, c'est des théories qui nous disent quelle est la bonne chose à faire, donc il y a des raisons qu'on peut rapprocher à l'éthique de la vertu, il faut faire ceci parce que ça serait généreux ou bienveillant, il y a des raisons qu'on peut rattacher au déontologisme, il faut faire ceci parce qu'il faut respecter le principe de « les animaux ne sont pas des marchandises », ou même chose, pour le conséquentialisme, « il faut faire ceci pour maximiser le bien-être ». Mais ça, ce sont des théories de comment agir, quelles sont les bonnes raisons morales, mais antérieurement à ça, sur un autre plan qu'on appelle méta-éthique, il y a la question de savoir qui sont les entités envers qui on peut avoir des devoirs moraux. Et donc, la question du sentientisme, elle se situe à ce niveau-là, qui est plus fondamental. Donc les... qu'on soit éthicien de la vertu, déontologue ou conséquentialiste, on doit être sentientiste, si on veut, on n'est pas obligé, mais en tout cas, en général, les gens en éthique animale vont être sentientistes, et à partir de là, appliquer des raisons ou des arguments qui relèvent de leur théorie particulière.

Victor Duran-Le Peuch : D'accord. J'espère que ça aura éclairé ces points-là par rapport à ce qu'avait déjà dit Valéry Giraud. On entend très souvent, dans des débats, par exemple sur le véganisme, l'argument que « oui, mais la viande, c'est quand même super bon ! ». Et en anglais, ils ont même une expression pour ça, « but bacon though! », « mais le bacon, quand même !». Mais alors, c'est intéressant, parce que dans votre ouvrage, vous prenez cette objection-là au sérieux, et il y a une expérience de pensée qu'on peut faire et qui permet de déterminer si le fait de vraiment beaucoup aimer un aliment, si ce côté bon de l'aliment est suffisant à justifier la souffrance infligée à des animaux.

Martin Gibert : Oui, ça... Je reprends pour... Pour analyser cette idée, une expérience de pensée qui a été développée par un philosophe américain qui s'appelle Alastair Norcross. Et donc, c'est ça, son idée, c'est est-ce qu'on pourrait justifier pour des principes, pour des raisons gustatives, d'être cruel envers les animaux ou de les consommer. Et donc, il imagine la chose suivante. C'est l'histoire de Fred qui est un passionné de chocolat. Le chocolat, c'est sa vie. Probablement, il travaille dans le chocolat. Ça fait partie de son épanouissement personnel. Puis, le pauvre a un accident et il perd l'hormone, peu importe que ce soit biologiquement correct, mais il perd l'hormone, la glande qui sécrète l'hormone qui lui permet de goûter le chocolat. Et donc, sa vie a plus de sens après son accident. Mais un médecin lui explique qu'un vétérinaire, par hasard, a découvert que des chiots qui étaient torturés sécrétaient l'hormone qui manque à Fred. Et donc, là, Fred décide d'élever des chiots dans sa cave, 36, dans l'expérience de pensée. Puis, tous les jours, il va les torturer et récupérer la précieuse hormone pour goûter le chocolat. Et donc, là, voilà. Alastair Norcross dit, bon, mais imaginons que les voisins découvrent ça, puis il y a un procès. Est-ce que Fred pourrait se défendre devant le jury de son procès? Qu'est-ce qu'en penserait le jury? Et quand bien même Fred, effectivement, ne fait pas ça par cruauté, il n'a rien contre les chiots, là, c'est parce qu'il veut goûter le chocolat et que c'est très très précieux pour lui. Donc, cette explication-là a un certain, fait un certain sens. Mais quand bien même cette explication-là fait un certain sens, on continuerait à trouver que Fred est, c'est inacceptable, quoi. Que tant pis, tant pis pour le goût du chocolat. Ça ne justifie pas de torturer des chiots. Et donc, oui, c'est ce que j'appelle l'objection du foodie. Il y a quelqu'un qui dirait, non, mais moi, c'est tellement important pour moi que ça passe. Tant pis pour la souffrance. Avec cette expérience de pensée, on voit que ce n'est pas le genre de raisonnement qui marche. La seule chose que Fred pourrait justifier, pourrait dire, c'est je suis égoïste, j'ignore, compte simplement mon plaisir gustatif. Mais là, il sort, ce n'est plus un raisonnement moral. C'est simplement, il assume son égoïsme. Et ça paraît très, très difficile de justifier, de faire des souffrances sans nécessité envers des patients moraux pour le plaisir gustatif.

Victor Duran-Le Peuch : C'est vrai qu'en fait, on ne compare pas la vie d'un être humain et la vie d'un animal non humain. En fait, ce qu'on compare, c'est des souffrances infligées à un animal autre qu'humain d'un côté et juste un bon repas en face. C'est ça. C'est ça, en fait. C'est des expériences. Ou juste une préférence, ou une habitude, ou une envie de chocolat. Enfin, c'est des choses assez triviales par rapport à la souffrance qui est imposée.

Martin Gibert : Oui, ça, c'est quand même, moi, c'est une des premières choses qui m'a frappé quand j'ai commencé à comprendre ces enjeux. C'est la disproportion entre les raisons qu'on se donne d'un côté de ne pas changer nos habitudes et puis la réalité de l'oppression et de la souffrance animale.

Victor Duran-Le Peuch : Concrètement, ce que cela implique, c'est qu'il n'y a même pas besoin de penser que la vie ou la souffrance d'un animal autre qu'humain a la même valeur morale que celle d'un humain. Justement parce qu'il y a une telle disproportion entre la souffrance infligée d'un côté par l'élevage et l'abattage et de l'autre, le plaisir ajouté d'un steak de chair animal comparé au plaisir qu'on peut trouver dans un steak végétal. Donc, même à supposer que tous les steaks végétaux seraient vraiment moins bons que les steaks de chair animal, ces derniers causent infiniment plus de souffrance. Pour une différence de plaisir gustatif vraiment insignifiante à côté. Ainsi, il suffit de penser que les animaux autres qu'humains comptent au moins un tout petit peu pour que la souffrance que les humains leur causent pour pouvoir les manger ne soit déjà pas justifiable. En gros, même pas besoin d'être antispéciste pour penser qu'il y a un sérieux problème avec l'élevage quand celui-ci implique de grandes souffrances. Mais alors, qu'en serait-il d'un élevage sans souffrance, si cela est possible ? Mais alors, est-ce que il n'y aurait quand même pas une façon de peut-être manger de la viande qui soit quand même éthique ? Si on ne consomme, par exemple, que les animaux qui seraient traités et tués humainement, par exemple, on entend parfois ça.

Martin Gibert : Alors là, c'est un peu, là, il commence à y avoir des divergences éventuellement entre les philosophes et les gens en éthique animale. Ce qui est clair, c'est qu'il y a des degrés dans ce qui est moralement acceptable, dans ce qui est moralement horrible. Et évidemment, il y a des élevages qui sont moins violents pour les animaux. Donc, du point de vue... Alors, voilà, là où il y a divergence, c'est que pour l'utilitariste, pour le conséquentialiste, ça fait une vraie différence s'il y a moins de souffrances dans un élevage que dans un autre. Pour un éthicien de la vertu, probablement aussi que ça ferait une différence. Pour un déontologue ou une déontologue, on enfreint dans les deux cas les droits fondamentaux des animaux, que ce soit dans l'élevage gentil ou dans l'élevage moins gentil, en particulier parce que les animaux sont envoyés à l'abattoir sans évidemment leur consentement et bien avant l'âge de leur mort naturelle. Donc, les objections qu'on peut faire à l'élevage, il y en a beaucoup, mais mettons les objections philosophiques de base qu'on peut faire à l'élevage humain. Donc, si on est déontologue, c'est fini, là. On ne respecte pas les droits des animaux à leur intégrité physique en les envoyant à l'abattoir, quand bien même ils auraient une vie extraordinaire avant ça. Si on est conséquentialiste, on va un peu plus regarder la réalité de la souffrance. C'est ça, si les animaux ont une vie agréable. Disons que pour un conséquentialiste, il y a toujours l'idée que quand même, quand bien même ils auraient une bonne vie, on les prive en les tuant prématurément, on les prive de la vie qu'ils auraient pu avoir. Même s'il ne se projette pas sur le très long terme, il avait quand même très certainement une préférence à continuer à vivre. Donc là aussi, c'est des éléments que les utilitaristes peuvent utiliser pour montrer que c'est mal, que même la viande « humaine » est moralement problématique. Si on sort des arguments proprement dits qui se rattachent aux théories morales, le gros problème, un des problèmes avec la viande « humaine » ou avec les petits élevages, c'est qu'en réalité ça constitue très très peu de la majorité de la production animale. Elle est dans des exploitations plus de type usine à viande. Et moi j'ai toujours peur, c'est quelque chose dont je parle dans « Voir son steak comme un animal mort », j'ai toujours un peu peur que la simple possibilité qu'il y ait de la viande un peu mort soit encore moins pire, ou même beaucoup moins pire, peu importe, empêche le rejet de la viande industrielle. C'est comme si la simple possibilité de la viande « humaine » et bio avait une influence sur l'acceptabilité générale de la viande, et auquel cas ça fait du mal parce que ça continue à normaliser la consommation de viande, y compris de la viande industrielle. Donc c'est là où moi je suis surtout fâché après la viande bio, c'est dans cette espèce d'effet psychologique qu'elle peut induire sur la représentation de la consommation de viande. Et puis voilà, les gens qui se... Je dis les gens, mais moi aussi j'étais comme ça là, où tu achètes un poulet bio d'un paysan que tu connais et tu te sens pas mal de manger ça, mais c'est comme si ça t'autorisait, et tu le fais une fois par mois, mais c'est comme du coup si le reste du temps ça t'autorisait à continuer de manger de la viande sans aucune...

Victor Duran-Le Peuch : Ah oui, psychologiquement ça fait qu'on fait plus du tout attention au reste en fait, parce qu'une fois on a fait attention que ce soit bien élevé et tué humainement...

Martin Gibert : Ouais, ouais. On parle d'effet rebond parfois pour expliquer ça.

Victor Duran-Le Peuch : Ah, alors est-ce que vous pouvez expliquer ce que c'est l'effet rebond ?

Martin Gibert : C'est ça, c'est quand on fait quelque chose d'un peu bien et que du coup on se sent autorisé à faire pire par... Ouais, un exemple en éthique environnementale, quand les gens passent à une essence moins polluante, ou peut-être à la voiture électrique, du coup ils vont beaucoup plus consommer et la facture énergétique au final peut être pire quand les gens passent à une essence moins polluante parce qu'il y aura eu cet effet rebond. Donc ça fait partie des choses à considérer quand on propose des règles d'action, ce qui n'est pas un effet rebond ou... En tout cas pour les conséquentialistes, c'est vraiment important de tenir compte de l'effet rebond.

Victor Duran-Le Peuch : Dans votre livre, vous soulevez aussi juste une objection pratique à ça, c'est qu'en fait, vous l'avez dit, c'est une très faible proportion qui peut être élevée en extensif sans que ce soit de l'élevage intensif. Donc en fait, si tout le monde se nourrissait de ça, il faudrait de toute façon manger beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup moins de viande. Il faudrait déjà être quasiment vegan si on voulait s'en tenir à de la viande des animaux qui aient moins souffert que la moyenne, disons.

Martin Gibert : Dans le même sens, un autre élément, c'est que j'ai l'impression que c'est... Donc ça, on appellerait ça un omnivore consciencieux, une personne qui ne mangerait que des animaux dont il connaît parfaitement la provenance de petits élevages avec des meilleurs standards. Mais en fait, pratiquement, je pense que c'est impossible d'être un omnivore consciencieux à 100% du temps. Je cite James McWilliams qui raconte une anecdote où il a son ami éditeur qui lui dit « Ouais, moi, je suis un omnivore consciencieux », et là, James Mc Williams lui dit « quand tu es invité chez des amis et puis qu'on te sert de la viande, est-ce que tu demandes la provenance de la viande avant de la consommer ? ». Et évidemment, non. L'omnivore consciencieux, il va accepter... Parce qu'il se classe dans les omnivores, alors que le végétarien, le vegan, il a vraiment changé de camp, d'une certaine façon.

Victor Duran-Le Peuch : Je vous cite justement, vous dites à un moment dans le livre, « Aussi consciencieux soit-il, l'omnivore éclairé ne franchit pas un certain seuil dans la mise en œuvre de ses convictions. Il glisse. Il fait facilement du hors-piste avec ses engagements moraux. Le vegan, pour sa part, a une position plus tranchée. Sa ligne morale est lisible. » Et ça me fait penser à ce que disait Brigitte Gothière au final, dans le deuxième épisode. Elle disait qu'au final, si on veut vraiment bien faire les choses, c'est plus facile d'être vegan que d'aller chercher les quelques produits qui seraient...

Martin Gibert : Oui, c'est ce que je pense aussi. Puis on peut être un vegan... Moi, ce que j'explique, ce qui m'avait beaucoup aidé, c'est de ne pas me dire, Ok, je ne vais plus jamais manger de produits animaux, mais garder la possibilité si vraiment ça me tente. Voilà. L'enjeu, il n'est pas tant dans ce que j'ingère moi, il est dans les conséquences que ça a. Et en devenant vegan, c'est clairement là où j'ai les conséquences les plus positives sur les animaux. D'une part, parce que j'en mange, mais aussi parce que j'en parle, parce que je fais la promotion de ça. Ne serait-ce que quand je mange avec d'autres personnes.

Victor Duran-Le Peuch : Ah oui, donc c'est là où avoir une règle morale lisible et claire fait beaucoup plus par l'effet d'influence qu'on peut avoir par le discours qu'on ajoute à ça, en fait.

Martin Gibert : Oui, c'est ça. À la limite, mettons d'un point de vue conséquentialiste, ce qui compte, c'est vraiment les effets qu'on a. Quelqu'un qui mangerait en cachette, un vegan qui mangerait en cachette des produits animaux de temps en temps, ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est la promotion qu'il va faire du véganisme, peu importe si lui est pur ou non. Le conséquentialiste, il s'intéresse aux effets.

Victor Duran-Le Peuch : Et pour mettre un clou définitif dans l'idée de la possibilité de l'omnivorisme consciencieux, il y a vraiment cette idée absolument omniprésente que les petits élevages bio sont parfaits et qu'aucune horreur ne s'y passe. Alors qu'on a vu, en fait, avec Élise Desaulniers, par exemple, que des fois, c'était carrément pire dans le bio, que dans le bio, il y avait quand même une séparation, il y avait quand même l'insémination artificielle des vaches, il y avait quand même séparation du veau, les animaux finissent quand même dans les mêmes abattoirs que les autres. Donc d'où vient cette image si idyllique et cette aura morale qu'ont les élevages bio ?

Martin Gibert : Alors, en fait, on dit bio, et puis, techniquement, bio, ça veut dire que c'est des animaux qui ont mangé de la nourriture bio. Donc, ce n'est pas censé être un qualificatif qui nous parle de la façon dont on les a élevés. Ça serait plutôt « humane », le qualificatif, pour dire qu'ils sont élevés dans de bonnes conditions. Bon, dans les faits, ça va souvent ensemble, les élevages bio sont souvent plus « humanes » que les autres, mais je fais remarquer ça parce que j'ai l'impression qu'il y a ce qu'on appelle un effet de halo. C'est-à-dire le fait que l'élevage bio est perçu comme meilleur d'un point de vue environnemental, ce qui pourrait se discuter, mais au moins parce qu'il n'y a pas d'engrais qui sont utilisés. Le fait que l'élevage, le petit élevage bio ait une bonne image d'un point de vue environnemental, ça projette son halo de « c’est bien » sur d'autres aspects. Et en particulier sur l'aspect respect des animaux en éthique animale et ça ne va pas nécessairement ensemble. On peut tout à fait imaginer un élevage bio qui serait extrêmement cruel avec les animaux et de toute façon, tant que les animaux demeurent des marchandises, il y a un moment donné où les questions de rentabilité économiques sont là. Et on ne peut pas tout sacrifier, même le mieux intentionné des éleveurs « humane » ne peut pas tout sacrifier au bien-être de ces animaux parce qu'ils doivent gagner sa vie avec et au moins les vendre à l'abattoir à un moment donné. Mais après, je pense que les petits élevages sont attrayants parce qu'ils nous aident. Ils aident les personnes qui veulent continuer à manger de la viande à se faire une bonne image, à être l'arbre qui cache la forêt. C'est pour ça que ça vient très souvent dans le discours des gens.

Victor Duran-Le Peuch : Ils servent de caution à toute la consommation de produits animaux.

Martin Gibert : C'est comme « Ah, regarde, puisqu'il est possible de manger des choses moins pires » . Un peu comme je disais tantôt. Du coup, ça continue d'être acceptable de manger toutes sortes de produits animaux.

Victor Duran-Le Peuch : On le voit, au moins certaines des justifications données pour défendre la consommation d'animaux ne sont pas vraiment des raisonnements éthiques robustes, mais plutôt des stratégies pour se donner bonne conscience. C'est pourquoi dans la deuxième partie on se penchera avec Martin Gilbert sur la dimension psychologique qui permet d'expliquer tout ça. On parlera notamment du paradoxe de la viande, et de dissonance cognitive. Allez, bisous ! A lundi prochain

Crédits

Comme un poisson dans l'eau est un podcast créé et animé par Victor Duran-Le Peuch. Charte graphique : Ivan Ocaña Générique : Synthwave Vibe par Meydän Musique : Star Swimming par Props

6 livres cités :

La libération animale Peter Singer

silhouette de livre

Les animaux souffrent.

ISBN : 9782228908146 · publié le 17 octobre 2012

Acheter sur Place des Libraires
Description complète et liste des 3 épisode(s) qui le citent

Les animaux souffrent. Comme nous. Ils doivent donc être considérés autrement. Ce livre a déclenché le débat contemporain en éthique animale et changé notre regard sur les animaux. Depuis sa parution en 1975, il est devenu un classique incontournable, traduit dans une vingtaine de langues et vendu à près d'un million d'exemplaires.

Cité dans 3 épisode(s) :

L'éthique animale Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

L'éthique animale - Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Les animaux ont-ils des droits ?

ISBN : 9782130808572 · publié le 12 juin 2018

Description complète et liste des 1 épisode(s) qui le citent

Les animaux ont-ils des droits ? Avons-nous des devoirs envers eux ? Si oui, lesquels ? Si non, pourquoi ? Et quelles en sont les conséquences pratiques ? L’exploitation des animaux pour produire de la nourriture et des vêtements, contribuer à la recherche scientifique, nous divertir et nous tenir compagnie est-elle justifiée ?L’éthique animale s’intéresse à l’ensemble de ces questions. Elle ne propose pas une simple compilation de règles idéales sur ce qu’il est « moral » ou non de faire aux animaux, mais invite à penser notre rapport au monde animal. Elle est le lieu d’un débat, souvent extrêmement polémique, dans lequel s’affrontent de nombreuses positions. Ce livre en propose le premier panorama synthétique.

Cité dans 1 épisode(s) :

Reality+ · Virtual Worlds and the Problems of Philosophy David J. Chalmers

Reality+ - David J. Chalmers

In Reality+, Chalmers conducts a grand tour of philosophy, using cutting-edge technology to provide invigorating new answers to age-old questions.

ISBN : 9780241320723 · publié le 25 janvier 2022

Description complète et liste des 1 épisode(s) qui le citent

From one of our leading thinkers, a dazzling philosophical journey through virtual worlds In the coming decades, the technology that enables virtual and augmented reality will improve beyond recognition. Within a century, world-renowned philosopher David J. Chalmers predicts, we will have virtual worlds that are impossible to distinguish from non-virtual worlds. But is virtual reality just escapism? In a highly original work of 'technophilosophy', Chalmers argues categorically, no: virtual reality is genuine reality. Virtual worlds are not second-class worlds. We can live a meaningful life in virtual reality - and increasingly, we will. What is reality, anyway? How can we lead a good life? Is there a god? How do we know there's an external world - and how do we know we're not living in a computer simulation? In Reality+, Chalmers conducts a grand tour of philosophy, using cutting-edge technology to provide invigorating new answers to age-old questions. Drawing on examples from pop culture, literature and film that help bring philosophical issues to life, Reality+ is a mind-bending journey through virtual worlds, illuminating the nature of reality and our place within it.

Cité dans 1 épisode(s) :

Faire la morale aux robots Martin Gibert

Faire la morale aux robots - Martin Gibert

S’intéresser à l’éthique des algorithmes, c’est plonger au cœur de nos différentes intuitions et théories morales, questionner nos biais et préjugés, mais aussi explorer un nouveau domaine de la philosophie, expliqué avec ...

ISBN : 9782080251114 · publié le 6 avril 2021

Description complète et liste des 2 épisode(s) qui le citent

Une voiture pilotée par une intelligence artificielle est face à un choix tragique : pour éviter un enfant qui traverse la route, elle doit écraser un vieillard sur le bas-côté. Que faire, qui sauver dans l’urgence ? Voilà un dilemme qui rappelle la fameuse expérience de pensée du tramway, et qui illustre les enjeux moraux de l’intelligence artificielle. Comment programmer nos robots – de transport, militaires, sexuels ou conversationnels – pour qu’ils prennent les bonnes décisions lorsqu’ils sont confrontés à des choix ? Quelle morale pour les robots ? Y en a-t-il, comme nous, de bons et de mauvais ? S’intéresser à l’éthique des algorithmes, c’est plonger au cœur de nos différentes intuitions et théories morales, questionner nos biais et préjugés, mais aussi explorer un nouveau domaine de la philosophie, expliqué avec clarté et humour par Martin Gibert, chercheur en éthique de l’intelligence artificielle.

Cité dans 2 épisode(s) :

L'imagination en morale Martin Gibert

L'imagination en morale - Martin Gibert

Comment en tenir compte dans nos deliberations ? Martin Gibert propose de repenser le role de l'imagination en morale a la lumiere des recherches les plus recentes en ethique et en psychologie.

ISBN : 9782705689407 · publié le 1 janvier 1970

Acheter sur Place des Libraires
Description complète et liste des 2 épisode(s) qui le citent

La morale n'est pas seulement affaire de raison. Elle engage aussi l'imagination. Tout ce qui compte moralement dans une situation ne se donne pas d'emblee, au premier coup d'oeil. Pour percevoir ce qui importe, il faut changer de perspective, recadrer la situation ou la comparer avec des alternatives contrefactuelles. L'imagination nous permet ainsi de voir les choses autrement et d'elargir notre perception morale. Elle enrichit notre connaissance, comme le montre encore le recours aux experiences de pensee. Quels sont les mecanismes psychologiques a l'oeuvre ? Comment en tenir compte dans nos deliberations ? Martin Gibert propose de repenser le role de l'imagination en morale a la lumiere des recherches les plus recentes en ethique et en psychologie.

Cité dans 2 épisode(s) :

Voir son steak comme un animal mort · Véganisme et psychologie morale Martin Gibert

Voir son steak comme un animal mort - Martin Gibert

Dans cet essai accessible et engagé, Martin Gibert propose une synthèse des débats contemporains sur le paradoxe de la viande.

ISBN : 9782895966609 · publié le 7 mai 2015

Description complète et liste des 3 épisode(s) qui le citent

La plupart des gens désirent le bien des animaux. Mais voilà: ils aiment aussi leur steak. C’est ce qu’on appelle le paradoxe de la viande. Nous ne voulons pas voir que ce que nous mangeons, c’est de l’animal mort. De plus en plus de chercheurs expliquent ce phénomène de «dissonance cognitive» par des pratiques sociales et des croyances qui visent précisément à occulter la souffrance animale. Tout converge pour nous convaincre, depuis l’enfance, qu’il est normal, naturel et nécessaire de consommer des produits d’origine animale. Pourtant, dans les faits, rien n’est moins vrai – tant du point de vue de la santé que de l’éthique animale et environnementale. Dans cet essai accessible et engagé, Martin Gibert propose une synthèse des débats contemporains sur le paradoxe de la viande. Ce faisant, il présente le véganisme, un mouvement moral et politique en pleine émergence qui lutte pour la justice animale, sociale et environnementale.

Cité dans 3 épisode(s) :

2 autres références :